Antagonisme entre pensée implicite et pensée explicite
Le dessin et l’esquisse sont souvent décrits comme l’expression d’une pensée implicite, ils prennent naissance à travers une interaction gestuelle. En réalité, pensée et figuration sont intimement mêlées, de sorte qu’il est illusoire de poser que le dessin serait une projection de la pensée, que cette projection soit explicite ou implicite. En situation de conception créative, on observe dans bien des cas que les inscriptions « débordent » la pensée et provoquent une mise en réflexion du sujet, comme s’il devenait spectateur d’un geste qui lui échappe et dont il doit analyser/interpréter la signification. En outre, les inscriptions, du fait même de leur dimension matérielle, se cristallisent progressivement et emportent avec elles les conditions de leur production.
Cela est particulièrement vrai dans le cas des outils informatiques, et l’on observe que leur utilisation habituelle, reposant sur une transposition des techniques de dessin à la main, altère la part de créativité du travail de conception. Les freins du « modèle transformationnel » et les « inadéquations contextuelles » et « cognitives » des outils numériques d’analyse sont identifiés. Les outils génératifs se fondent pour leur part sur une expression explicite, une pensée verbale qui se traduit par la mise en œuvre d’algorithmes. Mais ici ce n’est pas le modèle géométrique qui est soumis à la description mais plutôt les conditions de son émergence et son comportement aux limites. Ainsi la réalisation du processus, précédemment verbalisé, engendre dans un second temps un mécanisme d’interaction visuelle, qui semble plus propice à stimuler la créativité.
Figure 3. Basculement d’une pensée implicite à une pensée explicite.
Importance de l’indétermination signifiante
Une attitude de conception repose sur une acuité de perception des phénomènes déclenchés lors du travail de représentation, ou dans notre cas, de génération. Il s’agit de rechercher dans les occurrences et aléas du processus évolutionnaire, des appuis à une spéculation autour du problème d’architecture étudié. Cette attitude d’une conception ouverte aux occasions n’est pas propre à l’instrumentation numérique. Cependant les outils logiciels doivent, il nous semble, maintenir et stimuler ce comportement.
Le concept de « trans-forme »
L’approche générative impose une re-conceptualisation de l’objet architectural, notamment dans sa dimension morphogénétique. Ainsi la forme n’est plus établie à priori, mais elle s’inscrit dans un continuum par variation. Un « trans-forme » représenterait cette « meta-forme ». Il serait la description des conditions de mise en forme à travers la paramétrisation des comportements aux limites et des modalités d’émergence. La forme n’est pas ici figée, mais elle est informée, elle est associée à une pensée de la multiplicité.
Figure 4. Notion de « trans-forme ».